21 des 45 points d’ancrage de l’infrastructure de transport s’accrochent à la charpente métallique, afin de réduire l’emprise des structures d’un bâtiment conçu pour raconter une histoire.
Pour offrir un voyage de cinq minutes dans l’univers d’Arthur et les Minimoys créé par le cinéaste Luc Besson, Europa Park investit à Rust (Bade-Wurtemberg) 25 millions d’euros jusqu’à l’été 2014.
 

Les virtuoses du bâtiment et des effets spéciaux ont rendez-vous à Rust (Bade-Wurtemberg). Début août, Europa Park achève le gros œuvre de sa plus grande attraction Indoor, qui développera 5000 m2 sur un terrain de 3500 m2. En cinq minutes, dont une pour l’installation en gare, les chasseurs de trésor (toute personne de plus de quatre ans et un mètre de haut) emprunteront un moyen de transport ferroviaire présenté comme unique au monde en raison des fonctionnalités apportées par l’intelligence artificielle embarquée : à des vitesses variables et avec des vues optimisées, le parcours de 550 m comprendra deux grand huit. Il alternera des séquences dans le village intérieur en construction et un slalom entre les arbres de la vraie forêt qui entoure le site.

 

200 pieux de gros diamètre

 

En gare, l’infrastructure ferroviaire se plie sur trois niveaux, justifiant le cri du cœur de Frédéric Pastuszak : « Rien n’est impossible », s’exclame l’architecte français, salarié d’Europa Park et concepteur du projet. Les contraintes géologiques et réglementaires ont pimenté le tour de force : pour respecter le plan local d’urbanisme qui interdit de monter au-dessus de 12 m, et éviter la nappe phréatique qui affleure à moins de deux m sous la surface du sol, le projet, encadré par une rue du parc d’attraction, par l’Elz (affluent du Rhin) et par un canal, se déploie sur une hauteur maximale de 13 m, après l’excavation de 10 000 m3 de terres à une profondeur d’1,80 m.

Aux 170 pieux de 90 cm de diamètre qui ancrent le bâtiment dans le sol graveleux et sableux à une profondeur comprise entre 8,5 et 10,5 m, s’en ajoutent une trentaine d’autres pour l’infrastructure de transport. Sur ces fondations posées par Bilfinger & Berger, la structure met trois autres entreprises allemandes en scène : Moser pour le béton (alimenté, pour la partie préfabriquée, par l’usine Spurgin de Sainte-Croix en Plaine, dans le Haut-Rhin), Bühler pour la charpente métallique, et Mack Rides – maison mère d’Europa Park – pour l’infrastructure de transport. 21 des 45 points d’ancrage de cette dernière se greffent sur la charpente métallique accrochée au béton, afin de contribuer aux prescriptions de l’architecte : « Ce bâtiment raconte une histoire, ce qui suppose de dissimuler au maximum ses structures porteuses ».

Réécrite par Luc Besson pour Europa Park, illustrée par son chef décorateur Hugues Tissandier,  l’histoire s’organise autour de deux gestes architecturaux : le dôme central et végétalisé, structure métallique posée sur six poteaux, et la Paradise Alley, interprétation d’une rue de Las Vegas où les Minimoys recyclent les déchets humains.

 

Structures dissimulées

 

Pour tenir l’objectif technique, Frédéric Pastuszak bénéficie de la complicité du directeur de projet Alexander Grass, qui a  passé à la moulinette d’Autocad Revit les multiples niveaux intermédiaires, les trois plafonds, les angles jamais droits, les pentes et les poussées latérales de l’infrastructure de transport. Pour amortir les vibrations occasionnées par les trains, des joints en caoutchouc fournis par Gumba appliquent à l’attraction foraine une technologie couramment utilisée pour les ponts. Chargé des plans d’exécution de la structure et du manège, le bureau d’études Weis de Fribourg-en-Brisgau a relayé l’ingénierie interne à Europa Park, dont l’agence d’architecture intégrée emploie 15 personnes.

La dissimulation des structures reposera sur les décorations, dont la mise en place se déroulera cet automne, avec dans le rôle principal l’énorme fausse racine qui sert d’icone au projet. Titulaire d’un tiers des 5000 m2 de fausses roches, Atelier Artistique du Béton (AAB) apportera l’une des principales contributions françaises à la construction. L’illusion d’un univers naturel reposera sur des éclairages artificiels, dans le bâtiment aveugle. L’articulation entre décor et effets spéciaux et la synchronisation de ces derniers avec le parcours ferroviaire occuperont les derniers mois avant l’ouverture de l’attraction au public.

Séduire les français

 

Rare exemple d’entreprise familiale parmi les géants mondiaux des parcs d’attraction, Europa Park insiste sur la conformité du projet à ses valeurs : « Cette histoire pour enfants exalte la famille, l’amitié, la nature, la magie de petits êtres dans un monde de géants », explique Frédéric Pastuszak. Fidèle à sa logique de fabricant de manèges créé et dirigé depuis 233 ans par la famille Mack dans la Forêt Noire, le groupe Mack Rides teste sur son site de Rust des concepts techniques destinés au marché mondial des parcs d’attraction.

Dans une des rares zones sans lien avec l’un des 13 pays européens qui structurent les quartiers du parc de 94 ha, « Arthur au royaume des Minimoys » n’en occupe pas moins une place à part : engagé en phase conception dès 2010, l’attraction de l’année 2014 achèvera, sur une note contemporaine et high tech, l’aménagement de la « Forêt enchantée ». Dans cette zone d’1,5 ha, les concepteurs du site ont interprété l’univers des contes de Grimm et reconverti la partie la plus ancienne du parc, dont l’ouverture remonte à 1975. Une passerelle reliera la forêt à l’île dédiée aux Minimoys. La coopération avec Luc Besson contribue à une offensive de charme en direction de la France voisine, qui, avec 1 million de visiteurs par an, apporte un quart de sa clientèle à Europa Park, et la moitié de ses 3400 salariés.

 

Laurent Miguet (bureau de Strasbourg du Moniteur)